Le collectif : le projet des aidants

La commande

Dans un contexte où le vieillissement de la population est inéluctable, la question des aidants familiaux est de plus en plus fréquente et devient un véritable enjeu de société. Face à ce constat, la mutuelle Malakoff Médéric Bordeaux a mis en place un lieu d’expérimentation nommé La Ressourcerie. Celui-ci permet d’offrir un espace de rencontre et d’échange à destination principale des aidants familiaux. Ce lieu propose également différents types d’activités et de services afin d’offrir un temps de décompression et de faciliter ainsi le quotidien de son public.

Le design étant une démarche légitime pour intervenir sur ces problématiques sociétales, nous avons été mis en relation avec ce commanditaire afin de mettre en place de nouvelles solutions pour améliorer les conditions de vie de ce public oublié. Nous devions développer les services de la Ressourcerie en proposant des nouvelles modalités adaptées aux besoins et attentes de leurs usagers. En tant qu’étudiants du master Design, nous avions comme objectif pédagogique de développer notre capacité à analyser et cerner les enjeux de ces problématiques à travers une approche réflexive et pratique : comment améliorer le quotidien des aidants ?

Dès les phases initiales de ce premier projet de master nous avons décidé d’être stratégiques en créant des solutions complémentaires entre les différents groupes afin de présenter au commanditaire un service intégral, complet et cohérent. Nous avons ainsi mis en place un écosystème global entre toutes nos propositions : cette démarche nous a permis de développer notre capacité à travailler en équipe, sous un climat de bienveillance, d’entraide et de soutien mutuel durant toutes les phases de projet. Elle nous a également permis de ne pas être concurrents entre nous et de créer des projets riches, porteurs de valeurs et adaptés à des problématiques variées. Nous avons réussi à mettre en place une véritable synergie à l’échelle de la promotion, source de plus-value et d’innovation.

L’action collective

La notion du collectif, que nous souhaitons aborder dans cet article à travers le fil conducteur du projet des aidants, peut être classée suivant deux échelles : la première, micro, par équipes de trois personnes et la deuxième, macro, au niveau de toute la promotion (quinze personnes).

Le double enjeu de cette action collective a permis à chacun de se positionner et de définir son rôle individuel et son champ d’action dans la participation à ce projet collectif. Dans son entière diversité, chacun a pris toute sa dimension au sein du groupe. Les frontières entre ces deux types de dynamiques démontrent qu’au sein d’une équipe de trois les interactions concernent directement les individus (acteurs) entre eux alors que celles qui se donnent au sein de la promotion (réseau) concernent les équipes en elles-mêmes, souvent représentées par un porte-parole. Nous pouvons parler de dualité entre « acteur-équipe » dans le premier cas et de dualité « équipe-réseau » dans le deuxième.

L’existence d’une affinité thématique,le design de service pour les aidants familiaux, est l’élément qui nous a permis de construire correctement notre travail en réseau. L’intérêt commun que nous avions tous, en tant qu’individus et en tant que membres d’une équipe, envers le projet, est ce qui a permis de tisser des liens et de mettre en place des stratégies communes.

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La complexité de l’intelligence organisationnelle

Le cerveau individuel est un organe complexe qui obéit lui-même aux lois du système réticulaire. La capacité à réunir quinze cerveaux dans un système réticulaire plus vaste afin de créer un réseau collectif est ce que nous appellerons ici l’intelligence organisationnelle.

Le processus mis en place pour construire notre projet commun s’est basé principalement sur la communication. Le rôle de la communication dans ce processus est essentiel tant celle-ci est intime au réseau. Le maillage relationnel entre nous en tant que membres de cette organisation est ce qui nous a permis de construire une démarche d’intelligence collective au service du projet : la dynamique de notre travail coopératif a été d’impliquer et de prendre en considération tous les individus du réseau. Ceci nous a permis d’avoir une communication toujours horizontale, transparente et fluide. Étant tous sur le même plan et ayant tous la même responsabilité globale et collective, les hiérarchies et les conflits d’intérêts se sont effacés. Lors des échanges sur les différents projets menés nous avons toujours fait place au dialogue, à la confrontation d’idées et à l’écoute, sans jugement de valeur ou critiques non constructives.

D’un point de vue systémique et organisationnel, le travail collectif que nous avons mené afin de répondre à la commande initiale repose sur les trois axes suivants :

  • l’organisation des processus de communication/coordination (adopter un langage commun et avancer dans la même direction) ;
  • la mobilisation des compétences individuelles et motivations personnelles ;
  • la combinaison de compétences pour parvenir à des résultats plus ambitieux (la dynamique de groupe crée une valeur ajoutée à la somme des compétences individuelles). Le design est composé d’une série de variables qui permettent que son tout, c’est-à-dire son organisation en tant que système, soit supérieure à la somme des parties qui le composent (approche holistique).
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La démarche

L’approche systémique de la première phase de projet a été déterminante pour toutes les équipes : nous devions réaliser un travail de terrain et une analyse de données en mettant à profit notre empathie pour une approche « centrée humain ». Pour ce faire, nous nous sommes inspirés des démarches anthropologiques afin de comprendre les sociétés humaines étudiées, leurs relations, leur communauté et même leurs attitudes verbales et corporelles. Ce travail de terrain a pu être mené grâce à la mise en place d’entretiens, de questionnaires, de séances d’observations, d’analyses, de lectures bibliographiques et documentaires, etc.

En abordant cette première phase d’étude et d’appropriation, phase clé dans notre discipline, nous estimons incontournable de parler de la notion de dispositif dans la pensée foucaldienne. Michel Foucault définit le dispositif en tant que réseau tissé à partir d’un ensemble d’éléments hétérogènes (Lafleur, 2015). C’est la façon dont nous avons étudié le contexte des aidants en France : nous avons défini des agencements relationnels entre données et entre objets sociotechniques (humains et non humains) afin de comprendre ce contexte en question et d’y apporter par la suite des réponses cohérentes. De plus, ici aussi nous faisons le parallèle avec la notion de pensée systémique: c’est-à-dire que l’étude initiale sur le sujet s’est développée en restituant tous les objets dans leur contexte et dans la globalité dont ils font partie.

Nous avons réalisé le schéma ci-dessous afin de tenter d’exprimer visuellement la définition de dispositif tel que la conçoit Foucault, appliquée au contexte de notre projet. Nous pouvons préciser qu’au-delà de l’ensemble d’éléments qui constituent le dispositif, ce qui est importe le plus est la combinaison des relations qui découlent de leurs rencontres.

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L’écosystème global

Lors de l’appréhension des différentes facettes du projet (public, contexte, enjeux, acteurs, existant, etc.), chaque équipe a rapidement identifié des problématiques et points de blocage, pour ensuite se positionner dans un axe de travail. Nous avons ainsi pu concevoir notre dispositif complet en ayant la certitude dès les phases d’idéation que les projets n’étaient pas concurrents entre eux mais, au contraire, complémentaires. Chacun d’entre nous connaissait ainsi toutes les dimensions des différents projets de la promotion : ceci nous a permis d’adapter nos discours individuels (d’équipe) afin d’être en mesure par la suite d’avoir un discours commun cohérent à l’intention de notre interlocuteur. L’objectif commun étant l’amélioration du quotidien des aidants, chaque équipe a décidé d’y travailler selon une approche particulière : l’appropriation, l’intégration, la rencontre, l’amusement ou l’entraide.

Les différentes solutions créées ont toutes eu pour vocation à répondre aux aspirations des aidants familiaux afin de leur permettre de trouver des temps de « décompression » et de lien social compte tenu de l’isolement dont ils peuvent souffrir. Le collectif met en avant notre capacité à travailler en équipe, ainsi que la dynamique d’entraide et de bienveillance à l’échelle de la promotion.

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Bibliographie